Petite histoire - Le journal ... du journal

Le JOURNAL ... du Journal

Ah! J'entends le grincement du tiroir, ce bruit qui m'est si familier ; il est souvent l'annonce de ma sortie imminente.

En effet, voilà cette main qui ponctuellement s'empare de moi et me dépose sur un bureau. A la façon dont je suis consulté, utilisé je ressens à l'avance l'humeur de celle qui va me faire subir ses états d'âme. Je commençais à m'inquiéter, il se passe rarement plus de deux ou trois jours sans qu'elle ne me fasse ses confidences. Etait-elle absente, malade, débordée, ou en voyage ? Cependant habituellement, elle ne m'oublie pas, j'ai ma place dans son sac. Mais il lui arrive aussi de me bouder. Dans ce cas, ensuite elle "met les bouchées double" j'ai intérêt à être en forme!

Ce matin, c'est par un retour en arrière de quelques pages que je suis attaqué : Sur deux d'entre elles, la date et trois lettres : R.A.S. écrites de façon blessante ; je m'en souviens, j'ai dû faire des efforts pour résister à la déchirure ! Sur celle-ci, plus d'optimisme. Ce feuillet a été orné de jolies fleurs printanières aux coloris variés. Quelques rimes d'une poésie ou d'une chanson. C'était très agréable pour moi, je me sentais bien.

Là, une réflexion griffonnée sur les mots et les maux (?)  Il suffit parfois d'un seul mot, pour apaiser bien des maux ! Si trop forts sont les maux, alors, on n'entend plus les mots ... etc.

Certaines pages entièrement écrites sont feuilletées rapidement ; je comprends qu'elle ne s'y attardera pas. En général, il s'agit d'événements sur lesquels elle ne veut pas revenir. Le stylo devient agressif et tire un trait, ou deux, sous certains mots et de couleur différente. Le surligneur, lui, me traverse sans douleur ... intoxication lente !

Parfois, je suis badigeonné d'un produit sur lequel des photos sont disposées. A ce moment là j'ai la sensation que c'est un moment heureux qui est relaté, la douceur de l'écriture en témoigne.

Quelques fois, je sens venir les chauds et froids. La main qui se faisait légère à la lecture d'un message et commençait à pianoter allègrement devient soudain nerveuse. Soudain un trait oblique suivi de trois lettres NON s'incrustent dans ma chair. Un projet sinon annulé, reporté !

Bientôt je retournerai au fond du tiroir !

Non, une visite imprévue d'une demi-journée et la bonne humeur revient. En fin de  récit j'aurai une guirlande de soleils radieux à moins que quelques nuages flottent dans le ciel azuré de cette rencontre.

J'aime la souplesse de cette main lorsqu'elle jette sur mes feuillets, des mots, des phrases, un texte répondant à une demande ... qui semble être son passe-temps favori, son exutoire dit-elle.

A la fois réceptacle, aide-mémoire, ami et confident, je me sens d'une réelle utilité.