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Récits poésies Nouvelles
28 juillet 2012

Lettre à un objet

Lettre à un objet de votre vie.

A toi ma  « compagne  de tous les instants » !

Evidemment, tu dois être étonnée que je te dédie ces quelques lignes, vu que nous

nous côtoyons journellement, je dirais même vingt-quatre heures sur vingt-quatre…

Il est vrai que je n’ai pas  l’habitude de t’adresser la parole, puisque je sais que tu ne  me répondras pas.

Tu n’es cependant pas muette, tu sais si joliment nous annoncer chaque heure, chaque demi-heure ; sonnerie qui fait parfois sursauter le non-averti.

Le tic-tac de ton balancier, qui n’a de cesse que si le préposé à ton entretien a oublié de remonter ta mécanique,  donne vie  avec tant d’intensité à toute la maison, que son absence est … pesante.

Je t’avoue que ton existence, ton passé  me troublent. 

Certes, tu as peu voyagé ; en venant dans la région, tu ne t’es pas tellement éloignée de ta ville natale. Mais tu as vu se succéder au moins trois ou quatre générations.

Tu as survécu aux deux guerres, et subi les outrages du temps.

Tantôt reléguée au fond d’un grenier, tantôt trônant dans une salle à manger ou dans un salon à la place qui te revenait en tant qu’horloge de parquet.

Tu ne comptes plus tous ces petits minois d’enfants émerveillés par le mouvement de ton disque d’or cuivré, qui ont passé tant de temps à le contempler à travers ton  écran vitré.

Le galbe de ton corps leur donnait envie de te prendre dans leurs petits bras.

 En grandissant, c’est ton cadran blanc aux gros chiffres romains qui leur servait d’apprentissage à la lecture de l’heure, et du jour si l’aiguille concernée n’avait pas oublié de faire le pas !…

Si je te dis tout çà, c’est qu’aujourd’hui je me trouve face à ton habitacle, vidé de ses entrailles…

« Rien de grave, deux dents à remplacer, c’est réparable » a dit l’homme de l’art.

Ouf !  Je suis rassurée, mais si tu savais comme tu me manques…

En entrant dans cette pièce, instinctivement mes yeux se tournent vers toi.

Elégante dans ta grande robe brune… quelques rides évidemment ; il faut dire qu’on n’avait pas trop forcé sur le lifting.

Cependant, le reflet sombre de ton intérieur en bois vernis est d’une tristesse !…

Il me fait penser à un sarcophage.

Et puis, de jour comme de nuit, je m’aperçois que j’attends une indication du temps, de ce temps qui passe, et nous dépasse …

Et surtout, surtout les battements de ton cœur que l’on ignore quand tout s’agite autour de toi, deviennent dans le calme, un insupportable silence … ton âme n’est plus !…

Tiens,  cela me rappelle  ces vers  de Lamartine « Objets inanimés, avez-vous donc une âme qui s’attache à notre âme et la force d’aimer ?… » 

Je sais maintenant que bientôt, de nouveau  tu seras là,  et déjà, mon cœur s’habille pour fêter ton retour.  Toi qui va reprendre et redonner vie à la maison …

Tu redeviendras, comme dans la chanson de Jacques Brel (Les Vieux) :

 «  La pendule d’argent, qui ronronne au salon, qui dit oui, qui dit non, qui dit je vous attends ! …»

Moi aussi je t’attends !

Et  je souhaite  qu’avec  ton charme et ta simplicité, tu illumines les yeux des  enfants pendant quelques générations encore… Là, je rêve effectivement, car avec le progrès, et sans vouloir te vexer,  je ne suis pas sûre que tu sois toujours aussi bien cotée.

Il faut dire aussi, qu’avec toi, les émotions ne manquent pas. J’en ai encore des palpitations en me remémorant cette fameuse nuit, où, l’une de tes cordes fatiguée a lâché un poids sur le carrelage ; fracas qui ne pouvait faire penser qu’à une effraction !… grosse frayeur, carreau endommagé… Je devinais ton air narquois !

Allez !  Je ne t’en veux pas …

A bientôt nos retrouvailles !

 

Am. M

Atelier d’Ecriture – Février 2006

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Commentaires
P
Joli texte qui me rappelle les atmosphères rythmées par le balancier d'une comtoise objet d'une transmission -un peu plus qu'une transmission d'objet. Les parents ne nous offrent-ils pas le temps?
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